Hisse et ho ! Santiago

Le 31 octobre 1897, au petit matin, par un temps clair " où même les femmes navigueraient ", le jeune capitaine Louis Aurélien quitte la rade de Bordeaux à bord de la " Némésis ", et fait route vers Santiago de Cuba, où il doit récupérer une cargaison de sucre roux. Mais, à défaut de sucre, c'est une guerre qu'il trouvera, sanglante, celle qui opposa l'Espagne à la jeune République des Etats-Unis, de février à juillet 1898, pour le contrôle de Cuba. Aurélien savait, pourtant, qu'avec un nom pareil le majestueux trois-mâts fleurait bon la malédiction. Fille de l'océan, Némésis n'était-elle pas la déesse de la vengeance exercée par les dieux sur les mortels présomptueux ? Seul maître à bord après Dieu, témoin impuissant de la souffrance des Cubains pris entre les assauts espagnols et le débarquement des marines à Guantanamo, Aurélien devra guider son équipage impliqué malgré lui dans ce conflit insensé. Pirates, corsaires, naufrages, batailles navales spectaculaires, enlèvement d'une belle Cubaine emprisonnée, romance passionnée... Dans ce premier livre ambitieux, François Adrien tire toutes les ficelles du roman d'aventures maritimes avec une habileté déconcertante. C'est Surcouf aux Caraïbes, Stevenson n'a qu'à bien se tenir !

" L'ombre de Némésis " recèle de nombreux petits secrets historiques plus ou moins volontairement oubliés par la postérité. On y apprend par exemple que Daiquiri n'est pas qu'un cocktail, mais le théâtre d'une bataille, que ce " désastre de 1898 " fut la première guerre " couverte " par des journalistes, souvent peu scrupuleux, petits soldats d'une presse " jaune " sensationnaliste. Et la première, surtout, à " abriter " des camps de concentration, une invention espagnole : " La reconcentracion a été décidée par Madrid, dit le colonel Bermudez. Je souhaite insister sur l'efficacité de cette méthode. La population frappée de terreur a été dissuadée d'aider les bandits.(...).Si nous continuons ainsi, la rébellion cubaine sera complètement annihilée par nos soldats. " Loupé. Les forces espagnoles capitulent le 17 juillet, rendant à l'île une indépendance fragile, surveillée de près par les Etats-Unis.

"L'Ombre de Némésis", de François Adrien (Privat, 412 p, 19 €).